mardi 16 février 2016

L'équation Equateur

Dilemme en Equateur: Partir vers l'Ouest aux côtes pacifiques touristiques, aux îles animalières ensoleillées et aux voies d'accès rapides, ou me diriger vers l'Est, aux forêts et fleuves amazoniens, aux temps pluvieux et aux transports chaotiques ? Telle est l'équation Equateur aux deux (terres) inconnues.


Frontière Colombie - Equateur : trop fastoche !

J'avoue, la petite montée d'adrénaline d'un passage de frontière terrestre me manque un peu puisque le dernier remonte au 2 Janvier. C'est donc avec plaisir que j'aborde l'étape Pasto-Quito et son poste frontière d'Ipiales mais sans trop d'appréhension  : enfin un pays qui n'impose pas de billet de sortie pour pouvoir entrer ! Facile, rapide et sympa puisque le douanier équatorien accepte même de tamponner mon passeport à l'endroit précis ou je lui demande, histoire d'économiser quelques pages de mon précieux sésame. 
Pourtant, j'arrive à Quito vers 21h00 soit 3 heures de retard sur l'horaire prévu* ... Les douaniers se vengeraient-ils de mon passage rapide au poste frontière en choisissant justement mon bus pour effectuer une fouille complète du véhicule, bagages et passagers ?
Dans ce genre de contrôle -même sans rien avoir à se reprocher-  on se sent quand même coupable et tout en vidant mon sac à dos, je prie pour que personne n'ait eu la bonne idée d'y glisser des substances illicites à mon insu !
...Le bus repartira finalement trois heures plus tard et quelques passagers en moins qui préféreront le confort douillet du véhicule officiel, ceinture de sécurité et menottes parfaitement bien bouclées... Passage de frontière pas si rapide que çà finalement !
* Horaire prévu = horaire officiel + 1h00

Fastoche ! Mais pas si rapide finalement !


Quito : patrimoine de l’Unesco :

Enfin Quito ! Enfin, presque... Dans les grandes villes, les gares routières ont souvent la fâcheuse habitude de se situer en périphérie. Cinquième et ultime bus de la journée  pour rejoindre donc le centre historique et m’installer dans un sympathique hostal, une vieille bâtisse carrée de 3 étages avec patio intérieur et dont je m’apercevrai le lendemain matin que le second étage est exclusivement réservé aux services tarifés des dames toutes aussi charmantes que la bâtisse. 
Quito, première ville Sud-Américaine à entrer dans le patrimoine mondial de l’Unesco (1978) se situe à 2850m d’altitude avec des pointes à 3000m. Le centre historique est constitué de nombreuses ruelles pavées et de monuments construits à l’époque coloniale... En me promenant, je m’interroge aussi sur le prix humain important de ces édifices réalisés sans doute de force par la population locale. Autres temps, autres valeurs, quoique les chantiers actuels des stades de la future coupe du monde de football au Qatar ont déjà causé quelques dizaines de morts parmi les ouvriers-esclaves.

Quito
Cap sur l'Amazonie.

Quelle prochaine étape équatorienne après Quito ? Après beaucoup d’hésitation, j’opte pour l’Amazonie : Depuis cuba, je n’ai manqué ni de plages ni de soleil, et il serait dommage de ne pas visiter une petite partie du poumon vert de notre globe. 

7 heures de bus de nuit (impossible de dormir) pour me rendre à Francisco de Orellana (appelée aussi Coca),  ville la plus orientale accessible en bus, à l’orée de la forêt amazonienne et proche de différents parcs nationaux dont la réserve naturelle de Limoncocha. J’arrive fatigué à l’aube dans cette ville grise, triste, bétonnée, pluvieuse et boueuse:
Priorité 1 : Trouver une chambre pour déposer mon sac et prendre une douche.
Priorité 2 : Manger, manger, manger.    
Priorité 3 : Trouver une opportunité d’excursion dans la jungle. 
Priorité 4 : Me reposer.

Départ sur les chapeaux de roues.
Douché et repu, je tente de repérer des touristes pour m’intégrer à une excursion organisée et c’est ainsi que je croise Georges (Espagnol), Marie (Française) et « l’Indien » en train de négocier dans une officine touristique... Bingo ! J’ignore le programme exact des 48h00 à venir à 120$ (pas cher) mais je suis parfaitement d’accord... Et départ immédiat ! Juste le temps de récupérer mon sac à dos et d’annuler l’hôtel que je venais de réserver et nous voici partis pour  1  heure de pick-up : destination : Limoncocha, point de départ de notre excursion qui commence cet après-midi,  Je me reposerai plus tard !

En route pour l'Amazonie

Une première excursion qui commence par deux heures de lancha sur le Rio Napo. Le temps est aussi lourd que l’atmosphère détendue. Puis bottes aux pieds et pantalons aux chevilles pour éviter au maximum les piqûres de toutes sortes, nous nous enfonçons dans la jungle guidés par Ramon qui nous détaille les vertus médicinales de chaque plante. Quelques singes, des volatiles multicolores, beaucoup de bestioles surdimensionnées aux pattes innombrables, grand concours de tarzan sur la liane et à la nuit tombée, nous finissons  même par croiser quelques bonnes têtes de caïmans.

In the Jungle
... Puis une fée apparaît ! Puis deux, puis des dizaines de fées clochette illuminent les berges du fleuve. Bercé par le moteur de la lancha, je lutte contre le sommeil après 36 heures de veille mais je ne rêve pas. La nuit des centaines de « lucioles » illuminent les rives du Rio Napo... Ciel étoilé, fleuve illuminé, ce spectacle surréaliste vaut bien toutes mes heures de veille.

Nous retrouvons notre « lodge » (terme pompeux pour désigner un dortoir dans une cabane en bois) ou après un repas et quelques jeux, je m’endors finalement assez tard, protégé par la moustiquaire pour quelques heures de sommeil...  Tout à l'heure, départ prévu à 5h15 précises!

Connaissez-vous les Santacouros ?

Rappelez-vous Ko Lanta ... Ces larves jaunâtres qui vivent et se nourrissent du bois des arbres morts. L'avantage de ce met, c'est qu'il ne demande aucune préparation : pas d'épluchage, pas de cuisson, pas d'os ni d'arrêtes, pas de vidage ni même de nettoyage préalable. Du pur bonheur pour la ménagère active !
Seule une préparation psychologique est nécessaire pour me décider à croquer ces moelleuses larves vivantes hors tête (l’extrémité avec un point noir) qui gigotent encore toutes heureuses dans ma main !

Une respiration .... Je croque jusqu’à la tête que je rejette... je machouille... J’avale .... Bon, il me reste un goût de farine citronné. Voilà c’est fait ... Rassurez-vous, j’ai gardé quelques exemplaires pour vous faire goûter à mon retour !

Ne pas trop réfléchir ... 
Le mirador dans la Jungle 

Deux heures de lanchas sur le Rio Napo et deux heures de marche dans la jungle pour arriver au mirador : Construction métallique (Je cherche la plaque avec le numéro de contrôle conforme aux normes des constructions provisoires ... En vain) surplombant la jungle et le fleuve du haut de ces 40 mètres ... Ça bouge un peu, j’ai le vertige, une photo et je redescends vite fait bien fait sans faire le malin ! 
Le panorama est superbe. Différentes teintes de vert à perte de vue, le fleuve qui s’écoule, un habitat naturel à protéger absolument.




La communauté Anangu

Entre le reportage style National Géographie et le bon show spécial touriste, me voici dans la communauté Anangu qui présente sa culture traditionnelle : les danses, la cuisine, la méthode de chasse, l’artisanat. 
Bien sur que la communauté est rémunérée pour ce spectacle et que la plupart - pas toutes- de ces traditions ne sont plus d'actualité (la chasse est devenue interdite). Néanmoins, on peut vivre avec son temps sans pour autant oublier les traditions ancestrales. A bien y réfléchir, ces shows à l'attention des touristes ont pour effet induit de conserver vivants (autant que possibles) les usages et coutumes. Qu'adviendrait-il de cette culture sans tourisme? Les nouvelles générations, de quelque pays que ce soit et sans exception, sont toutes accro aux smartphones et aux réseaux sociaux. Je ne suis pas certain que Facebook soit soluble dans le maintien des traditions.
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La communauté Anangu


Un retour SURREALISTE !


Environ 2h30 de lanchas (soit une trentaine de kilomètres) nous séparent de Limoncocha, et lorsque nous embarquons (nous ne sommes plus que 4), la nuit commence à tomber, le vent se lève et la pluie redouble d’intensité. Il est clair que nous ferons le trajet en pleine nuit dans des conditions dantesques et ce n’est pas la mince toile sur nos têtes qui nous protégera de l’orage. 



Il faut imaginer cette barque naviguant "à vue" c'est à dire sans aucune lumière et sous une pluie battante. Il fait nuit noire, le "pilote" de la lancha tente de s'orienter (aidé de son fils à l'avant de la barque) parmi les nombreux affluents du fleuve. La barque s'échoue à maintes reprises sur des bancs de sable et vogue d'une rive à l'autre. Connait-il vraiment le chemin? Le moteur tousse mais redémarre... Silence glacé dans la barque, chacun se recroquevillant pour se réchauffer et se protéger.

Les minutes s’égrènent et Georges et Marie commencent tout doucement à fredonner les syllabes « Li- mon-co-cha » sur différents airs de musique classique... Puis de plus en plus fort comme pour conjurer les craintes, le froid et la pluie. L’Indien et moi nous y mettons aussi, et ce sont bientôt 4 gugusses sur un fleuve amazonien en pleine nuit d’orage dans une barque à hurler le plus fort possible « Li-Mon-Co-Cha, LI-MON-CO-CHA !!! » Complètement fou !

Enfin... presqu'arrivés !

2h30 comme une éternité. Lorsque nous arrivons enfin nous applaudissons à tout rompre le pilote qui ne bronche pas. Je crois qu’il nous en veut terriblement de nos deux heures de  retard au départ...
Enfin Limoncocha ... Ou plus exactement à 7 kilomètres du centre du village et de l’hôtel ! Vue l’heure, pas un taxi ni une voiture à espérer ... Les prestations assez vagues ne prévoient pas le retour, surtout en pleine nuit !
La pluie a cessé. Las, fatigués, trempés, sales et faim, nous nous asseyons en tailleur au milieu de la route, l’enrobé sec nous réchauffant un peu, sourire aux lèvres d’être enfin sur la terre ferme et devant une  situation aussi surréaliste. Attendre un miracle...

... Et un homme COMPLETEMENT NU surgit de nulle part ! (désolé, je n'ai pas de photo). Un villageois d'une des rares maisons voisines qui a la bonne idée de se baigner dans l'eau du fleuve. De façon très naturelle, les mains masquant son intimité, il nous souhaite la bienvenue et s'étonne de nous croiser en ces heures et lieux! 
Comme Adam a une moto, il nous propose pour 10$ de nous conduire à l'hôtel en 2 aller-retour. Le temps de se rhabiller, il revient même avec un alcool de yucca!
Comble de bonheur, c'est nuit de fête dans le centre de Limoncocha et il reste encore sur le barbecue des platanos au fromage que nous dévorons avec plaisir. Une douche, au lit et demain matin premier bus pour Tena. 
Cette dernière nuit n'était pas comprise dans le forfait, mais comme personne n'était présent le lendemain matin avant de partir, nous sommes partis sans payer..

Nul doute que la vraie fée clochette se cachait parmi toutes les lucioles ...

L'Equateur, bien mieux que la moyenne.

Après ce temps fort, les autres étapes équatoriennes paraissent un peu plus fades .. Tena pour se reposer, et faire une lessive (A noter l'excellent hostal Pakay).
Banos, ville touristique "à la mode Costa Rica", très peu pour moi ... Une journée de randonnée à vélo quand même (sous une pluie battante) pour visiter les différentes cascades. Et Cuenca, très belle ville historique parfaite pour glandouiller !

Située à égale distance des Tropiques du Cancer et Capricorne (lequel est au nord ? lequel est au Sud ?) L,'Equateur mérite finalement bien  mieux que sa moyenne géographique.


I'm cycling in the rain à Banos


Cuenca

9 commentaires:

  1. Quelle belle histoire incroyable...
    Le film continue !
    Merciiiii
    Je t'envoies les infos pour le Pérou ce soir

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  2. Les récits de ce trip sont fantastiques. Un zeste de Serendipity, une énorme part d'audace sont au menu de notre vie quotidienne à travers ton blog. C'est un plaisir de te lire , cousin !

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    1. Merci cher cousin(e) Anonyme.. Je file sur wikipédia pour vérifier la définition de serendipity !

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  3. J'espère que maintenant tu t'es bien reposé après avoir bien dormi et bien restauré? J'aime beaucoup ton récit.
    GB
    papou

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  4. et bien aprés notre rencontre chez mon frère, Fabrice, et la présentation de ton blog je suis effectivement venue sur ton blog en décembre et depuis j'avoue prendre beaucoup de plaisir à lire tes aventures et vivre un peu par procuration, bravo pour tes récits
    Carine

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  5. Encore un très beau récit, et de belles photos. Par contre les larves jaunâtres...beurk ! Bisous Véro

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  6. Les "sanracurods", les larves..tu auras l'occasion de les goûter si tu passes par le Cambodge, ou p-ê au Vietnam ! très nourrissantes paraît-il !!
    Bisous,
    papou

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  7. Sympa l'accrobranche en Amazonie ! Moins sympa la bouffe... Et puis c'est quoi ce crabe qui mange ta soupe avec ses pincettes !
    Ambiance Délivrance plus que Kô Lanta dans ce récit... J'aime lire tes aventures.
    Bisous
    Corinne

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